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6 octobre 2010

Miyajima, Japon PROMENADE A LA PLEINE LUNE

Le crissement suraigu des cigales déchire la nuit moite.

J’entends à peine mes pas sur l’allée de minuscules graviers blancs.

Sur le pont séculaire, une biche lève la tête et me regarde, indolente. Je longe l’allée de lampadaires en pierre, hauts d’un mètre vingt, qui s’étend le long de la mer, côtoyant les pins et les cerisiers. Le chemin de combien de promeneurs et de pèlerins ont-ils éclairé depuis 1168 ?

Dans la mer, le Tori, rouge, gigantesque. Sacré.

Le peuple, autrefois interdit sur l’île, devait traverser ce portail en bateau pour pouvoir s’approcher du sanctuaire. Dans l’air, l’odeur doucereuse des essences et de la sève des arbres tropicaux flirte avec celle de la terre mouillée pour reproduire une fragrance que je connais par cœur à force d’y avoir vécu durant 5 ans ; le parfum des forêts tropicales. Ces mêmes forêts dans lesquelles les moines suivaient un entraînement intensif et difficile pour pouvoir être reconnus par leurs pairs.

Cette fois je suis vraiment au Japon.

Je remonte le temps de quelques centaines d’années et atterris dans le village baigné par la pleine lune. Quoiqu’on soit en face d’Hiroshima, il n’y a pas de trace des bombardements de la seconde guerre mondiale. Ici, les maisons sont aussi vielles que dans les films d’époques. Des lanternes, taches lumineuses brunes ou rouge foncé, pendent à tous les toits. Ici un bébé pleure, là, une fenêtre allumée luit faiblement, plus loin, un temple endormi. Le village a l’air désert. Devant chaque maison, une corde à linge, tirée le long de l’auvent à laquelle sont accrochés des silhouettes découpées dans du papier blanc.  On dirait des bonhommes suspendus par la tête. Ils oscillent doucement dans la brise marine. Je n’ose pas les toucher. J’ai de peur qu’ils prennent vie et me poursuivent, essaim de bras de papier. Tout à l’air trop réel ici, tout à l’air possible. Un mustélidé se glisse entre  mes pieds à la recherche de nourriture, ignorant totalement ma présence. Tous les cinquante mètres, seule preuve que nous sommes en 2010, un distributeur automatique de boissons. Je réalise avec bonheur qu’il existe des milliers de marques de café glacé. Trois filles japonaises me hèlent puis éclatent de rire lorsqu’elles me voient de près ; elles m’on prise pour quelqu’un d’autre.

Un peu plus loin, la mer. De la musique s’élève du temple orange posé sur l’eau, sur lequel les pèlerins débarquaient une fois le Tori traversé. Un piano, un violoncelle, un violon, trois femmes jouent de la musique japonaise en kimono. Durant un instant, j’ai l’impression de me retrouver dans un animé de Hayao Myasaki. Les notes langoureuses glissent sur l’eau, montent dans les aigus, retombent en pleurant dans les basses. Les bruits du ressac les coupe parfois brutalement.

Ici, sur l’île, loin de tout, le temps a l’air moins pressé d’en finir et les préoccupations semblent plus légères.

Subitement, la musique repart sur un rythme sud américain cette fois, puis s’arrête net sous les applaudissements du public, caché dans le temple. Assise à côté d’un lampadaire millénaire, sous un cerisier, les pieds ballants au dessus de l’eau, j’avais oublié qu’on était en 2010.

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J'adore ce que vous faites... <br /> Envoie moi une adresse postale! J'ai envie de t'envoyer des surprises dans une enveloppe!<br /> R.
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